The V-Choice Février 2018

 LE V CHOICE DE FEVRIER 2018

Chaque mois, ADHF vous fait partager sa bande-son, une sélection de vinyles parmi les meilleures sorties du moment. Retenues pour leur qualité d’enregistrement, leur rareté ou la créativité de leurs auteurs, les musiques choisies par ADHF abordent tous les genres ; elles vous permettront de constituer, au fil des mois, une discothèque originale, à la hauteur de votre installation.

Escape-ism

Escape-ism

Merge Records, 2017

Escape -ism

Alan Vega pas mort ! Si vous regrettez les compositions sur l’os, les rythmiques entêtantes et les vocaux torturés des albums de Suicide, ce disque est pour vous. Son auteur n’est pas le premier venu : Ian FolkeSvenonius, compositeur, multi-instrumentiste et animateur foutraque d’une dizaine de formations aux destinées improbables (Nation of Ulysses, The Make-Up, Chain & the Gang, etc.) est surtout un dynamiteur professionnel des mythologies rock-and-rolliennes,qui hante depuis quelques années la scène new-yorkaise. Mais pas besoin d’avoir lu ses «Stratégies occultes pour monter un groupe de rock » (Au Diable Vauvert) pour comprendre le concept d’Escape-ism : nonobstant le côté touche-à-tout du personnage et ses dérives intellos, les douze morceaux présentés ici tiennent la route et, avec des moyens plus que limités, Sven adresse à son modèle suicidaire la réponse qu’il n’a jamais reçue de son vivant :Aaaargh, Uh ! Hautement recommandé.

Penya

Super Liminal

On the Corner Records, 2018

Penya

Penya est un collectif afro-latino-technoen activité à Londres depuis une dizaine d’années. Super Liminal, leur troisième album, est une véritable machine à danser. Construits sur la base d’un dub hypnotique sur lesquelles viennent se greffer de subtiles compositions chantées ou jouées sur des instruments traditionnels, les six morceaux de cet album vous entraineront irrésistiblement sur la piste. Mais surtout ce disque est une ultime démonstration de ce que peut produire, en musique, l’alliance entre la sensibilité des machines et la technicité des humains (les néo-humanistes inverseront la proposition). La fusion prend ici son véritable sens : difficile de distinguer, à l’écoute, le cru du cuit, le naturel de l’artifice, l’électronique de l’artisanal.

 Ensemble Minisym

Moondog New Sound

Bongo Joe, 2017

Ensemble Minisym

 2018 pourrait bien être l’année de la consécration (pour le public français) du phénomène Moondog (1916-1999). Personnage haut en couleur, moitié guru, moitié génie du piano, moitié clochard céleste (je sais, ça fait trois moitié, mais le personnage était exceptionnel), Louis Hardin passa le plus clair de son temps dans le noir (il était devenu aveugle après s’être fait exploser dans la main un bâton de dynamite), à jouer dans les rues de Manhattan, en cape et casque de viking. Phénomène purement américain, Moondog était resté assez confidentiel par ici, jusqu’à ce que le nantais Amaury Cornut commence à acheter les droits de quelques-unes de ses compositions pour les présenter sur les scènes hexagonales avec son ensemble Minisym. New Sound présente 17 compositions de l’artiste, courtes pièces au piano, plus proches d’Erik Satie que de standards du jazz, et compositions plus élaborées jouées en sextet. On attend la suite.

Bert Jansch

A Man I’dRather Be (Part One)

Earth Records, 2018

Bert Jansch (1943-2011) fut longtemps le secret le mieux gardé de la musique folk, et son premier album, sur Transatlantic, enregistré avec un magnétophone portable dans la cuisine de son appartement de Londres, en a bluffé plus d’un, de Donovan à Jimmy Page, de Bernard Butler à Johnny Marr, sans parler de Neil Young qui mit dix ans à digérer son « Needle of Death » avant de le recycler sur Harvest. Certes, le petit jeune homme d’Edimbourg, qui semblait tout droit sorti d’un roman de Kerouac, était dans la vague – un mois plus tôt, « Bringingit All Back Home » était sorti aux Etats unis – certes, il jouait Angie en y casant deux fois plus de notes que les autres – grâce à son accordage en Dropped D – mais on retiendra surtout qu’il écrivait toutes ses compositions. Il y aura deux autres albums du même tonneau (It Don’t Bother Me et Jack Orion) avant que Bert ne rejoigne John Renbourn, un autre folkeux, moins génial mais plus savant, pour fonder Pentangle. La réédition de ces albums par Earth Records (qui annonce un « Part Two » pour le mois prochain) est un événement.

The Limiñanas

Shadow People

Because Music, 2018

The Limiñanas

Carrière sans faute pour le groupe de Cabestany (Pyrénées Orientales) qui, en huit ans et cinq albums, a franchi avec classe toutes les étapes qui séparent l’amateurisme, aussi éclairé soit-il, de la notoriété nationale, aussi illusoire soit-elle. Publié dix-huit mois après Malamore, qui leur avait déjà valu une solide reconnaissance de la part d’un public de connaisseurs, Shadow People bénéficie du parrainage inattendu d’Anton Newcombe, le leader de The Brian Jonestown Massacre, qui s’est lui-même proposé pour produire le groupe dans son studio berlinois et chante un titre de l’album.Peter Hook, à la basse, fait plus que donner un coup de main aux Français, il tire le son du groupe vers des ambiances plus technos, plus tendues et sombres que la pop un peu distante à laquelle il nous avait habitués. Autres participations remarquables, les voix de Bertrand Belin et d’Emmanuelle Seigner, viennent épauler le duo, que la présence d’un vrai label à leurs côtés (Because) devrait faire sortir de l’ornière des groupes cultes, réservés auxaficionados.

The Fall

New Facts Emerge

Cherry red, 2017

 

Dans sa dernière interview, Mark E. Smith faisait ses comptes : deux albums pour Joy Division, 9 pour New Order, 6 pour les Smithset lui, sur lequel on n’aurait pas misé un une half-pinte de Whitebread, avec sa grande gueule et son mépris pour l’industrie phonographique : 46 au compteur ! Le 46e lui aura été fatal, et les « Faits nouveaux » qu’il annonçait se réduiront pour nous autres à une dramatique info : la mort du patron, à l’âge de soixante ans.Excepté Elena Poulou, son ex, qui tenait habituellement les claviers, le groupe de New Facts est le même qui enregistra le précédent opus de The Fall, ce qui est un fait notable, vu le turn-over habituel des sidemen du Marquis. L’album est dans la même veine garage féroce et minimale que Sub-Lingual Tablet (2015) et Smith harangue toujours son public avec la même hargne (une hargne qui lui a tout de même valu de figurer dans le classement du Times Litterary Supplement parmi les cinquante plus grands poètes du XX° siècle). Ces derniers temps c’était depuis une chaise roulante. Et ses exhortations n’en avaient que plus de force. Alors que tout nous laissait penser que le type était devenu inoxydable, le crash final de Mark E. nous laisse tous orphelins. A 18 ans, il voulait faire « de la musique qui n’existait pas encore, parce qu’aucune existante ne le satisfaisait ». Orphelins, mais héritiers d’une fabuleuse collection de musique inouie dont des pans entiers restent encore à découvrir.

…… Rendez-vous le mois prochain !

 

 

 

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